Insuffisance de motivation de la lettre de licenciement et ordonnance Macron
Le droit du travail est un droit en constante mutation qui fait l’objet de bon nombre de réformes, prises par les gouvernements successifs.
La réforme des ordonnances Macron a fait jaser : plafonnement des indemnités, rupture conventionnelle collective, les syndicats qui s’insurgent.
Le travail est une question qui suscite les passions.
Qu’en est-il du licenciement ? Est-il facilité au détriment des salariés ?
L’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail interpelle et inquiète les salariés.
Face à la profusion de textes, il est parfois difficile pour les citoyens de connaître le droit qui leur est applicable.
La question du licenciement est une question importante et il serait bon de savoir en quoi la nouvelle réforme impacte le droit qui était en vigueur.
Il n’y a pas de changement s’agissant la procédure de licenciement individuel : toujours un entretien préalable, toujours le respect d’un délai de 5 jours ouvrables entre convocation et entretien préalable, les mêmes mentions dans la lettre de convocation à entretien préalable.
Le débat se cristallise aujourd’hui sur l’énoncé des griefs de la lettre de licenciement. Il faut s’en référer à la lettre de l’article L1232-6 du Code du travail.
Auparavant la jurisprudence était claire : énoncé de motifs objectifs et précis, matériellement vérifiables (Cass, Soc, 29/11/1990 , 88-44308). Le fait d’opter pour des motifs imprécis équivalait à une absence de motifs : la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
Cependant après les ordonnances, la donne va changer.
L’article L1232-6 en partie modifié : « Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »
Il y aura donc un décret au Conseil d’État qui va prévoir des formulaires à disposition des employeurs de lettre de licenciement.
Une question demeure : c’est celle de l’insuffisance de motivation.
Les motifs peuvent être précisés à la demande du salarié et à l’initiative de l’employeur. Un décret va préciser dans quelles conditions préciser ces motifs.
La règle de la lettre de licenciement qui lie le litige est assouplie : c’est la lettre de licenciement précisée qui dorénavant prévaut. Par ailleurs, la réforme prévoit un droit à l’erreur pour l’employeur. De ce fait, cette souplesse lui permet de revenir sur les erreurs de procédure et de motivation contenues dans la lettre de licenciement.
Cependant, cette règle n’est pas avantageuse pour le salarié. A défaut pour lui de formuler une demande de précision, l’insuffisance de motivation ne peut être sanctionnée que par un mois de salaire.
Il convient de se questionner sur la forme de cette demande de précision et si en pratique nous pourrons intégrer ladite demande à la lettre de contestation de licenciement.
Le préjudice du vice de motivation de la lettre est anéanti par le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce n’est hélas pas cumulable pour les salariés.
La pratique nous éclairera dans le futur : il est possible que les juges résistent en disant que c’est une absence de motifs et non pas un motif imprécis, en plaçant le débat sur le terrain de la justification.
La sanction en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (L1235-3 Code du travail) réside en une proposition de réintégration ou une indemnité de licenciement, montant désormais compris dans une fourchette.
De plus, lorsqu’une irrégularité de forme a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L.1232-2, L.1232-3, L.1232-4, L.1233-11, L.1233-12 et L.1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Cela pose la question des garanties statutaires des salariés dépendant d’une législation particulière : RATP, SNCF, ENGIE, EDF, BANQUE DE FRANCE, etc. Ceux qui bénéficiaient de garanties de fond pour leur révocation ne pourraient alors plus être réintégrés mais bénéficier seulement d’un mois de salaire.
Les dés sont jetés et les contestations ne se sont pas encore soulevées…
Sarah EL HAMMOUTI, Avocate au Barreau de Paris
Master Contentieux interne et International
Master Droit des affaires, Obligations civiles et commerciales