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Alain Weill, le patron de SFR et BFM, attaqué en justice par son ancien chauffeur

Le chauffeur d’Alain Weill a été licencié pour faute grave en 2017 après presque trois ans de bons et loyaux services. Il a contesté son licenciement aux prud’hommes, mais en vain. Il se tourne désormais vers la cour d’appel.

Le 1er octobre, la cour d’appel de Paris s’est plongée dans l’intimité d’Alain Weill. Les juges se sont penchés sur les rapports du patron de SFR et BFM avec son chauffeur, David Boutet. Celui-ci a été licencié en juin 2017, après presque trois ans d’activité. David Boutet, dans ses conclusions remises à la cour, explique qu’il a servi “d’homme à tout à faire” pour son patron. “J’ai dû m’occuper, à la demande de M. Weill, de l’organisation du mariage de sa fille à la Croix Valmer en 2016, m’occuper des invités. J’ai aussi dû me rendre au domicile des parents de M. Weil pour accrocher un appareil télé au mur, puis configurer leur réseau internet privé. M. Weill m’a aussi demandé de conduire ses parents, ses trois enfants, son ex-femme Isabelle…” Interrogé, son ex-employeur en convient partiellement : “M. Weill a en effet parfois demandé à M. Boutet de l’aide pour conduire ses parents à l’hôpital ou pour le mariage de sa fille, mais c’était à titre exceptionnel et absolument pas régulier”, explique un porte-parole.

A l’époque, David Boutet se plaint surtout de ses heures supplémentaires: il affirme avoir travaillé 60 heures par semaine ou plus, là où son contrat ne prévoyait que 44 heures, pour un salaire de 3.269 euros bruts mensuels. Il a fini par s’en plaindre aux ressources humaines. La DRH lui oppose alors une fin de non recevoir, car elle estime que les pauses entre deux trajets doivent être déduites de ses horaires. Alain Weill assure aussi que cette question des heures supplémentaires n’est jamais remontée jusqu’à lui, car son chauffeur ne lui en avait jamais parlé directement.

“Ce n’est qu’après plusieurs années de relances concernant le non paiement de mes heures supplémentaires que la hiérarchie a décidé tout à coup de me licencier pour faute grave”, indique le chauffeur. La faute grave en question a eu lieu le 4 avril 2017, le soir du débat entre les 11 candidats à la présidentielle organisé par BFM. Pendant ce débat, le chauffeur attend tranquillement dans la BMW série 7 de son patron, garée sur le parking du studio. Il est alors abordé par une équipe travaillant pour la séquence de Maxime Switek dans l’émission C à vous. Les journalistes lui posent d’abord quelques questions, puis l’un d’entre eux ouvre la porte arrière de la voiture, s’installe à l’intérieur, et regarde brièvement le débat sur le mini-téléviseur de la voiture, pendant que son collègue filme la scène à travers la porte arrière restée ouverte. Cette séquence de quelques secondes (qu’on peut voir ici) est diffusée le lendemain sur France 5 en ironisant sur Alain Weill, ce qui suscite les rires du public.

Alain Weill n’apprécie pas et interroge alors son chauffeur. “Lorsque M. Weill a demandé si des journalistes étaient rentrés dans la voiture, M. Boutet a d’abord menti en répondant que non. Dès lors, M. Weill considérait que M. Boutet n’était plus digne de confiance. En outre, l’intrusion de journalistes dans la voiture était grave car M. Weill laissait dans sa voiture des dossiers confidentiels », explique un porte-parole. Le chauffeur est alors licencié sans préavis ni indemnités. La lettre de licenciement stipule : “vous avez laissé ce journaliste de C à vous pénétrer et s’installer dans le véhicule sans aucune surveillance. Vous êtes responsable de la surveillance du véhicule. Vos responsabilités impliquent donc qu’aucune personne non autorisée puisse accéder à cet espace”.

Amer, David Boutet conteste ce licenciement aux prud’hommes, réclamant 120.634 euros pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, mais aussi pour ses heures supplémentaires. Le chauffeur affirme “n’avoir jamais autorisé le journaliste à pénétrer dans la voiture. Il n’a pas voulu faire de scandale, étant filmé. Cependant, il lui a demandé de sortir du véhicule dès qu’il a pu”, indique le jugement.

En première instance, le chauffeur est débouté : “M. Boutet a commis une faute en acceptant d’être interviewé et en permettant à un journaliste de s’introduire et de rester dans la voiture de fonction. La diffusion de ces images par une chaîne concurrente afin d’ironiser sur le rôle d’Alain Weill, et le risque encouru de divulgation de secrets en laissant présente une personne extérieure, caractérisent une faute grave”, estime le conseil des prud’hommes.

Mais David Boutet, défendu par Me Sarah el Hammouti, n’a pas lâché l’affaire, et fait appel. Lors de l’audience du 1er octobre devant la cour d’appel, les juges se sont notamment demandé pourquoi un accord amiable n’a pas été recherché étant donné la proximité entre les deux hommes… Verdict le 25 novembre.

 

Sarah EL HAMMOUTI, Avocate au Barreau de Paris
Master Contentieux interne et International
Master Droit des affaires, Obligations civiles et commerciales